Lignes blanches | White lines

J’entends des voix lorsque je peins. Je n’hallucine pas. Je n’entends que ma voix intérieure mais elle est multiple. Bien sûr cette voix intérieure me guide dans le labyrinthe de mes pensées. Elle est aussi un écho à la voix des autres qui réclament de la beauté. Et il y a la voix de la toile que je peins.

La toile me dit : «Enfin, tu choisis la simplicité. Quelques lignes blanches sur un fond pâle. Ce ne fut pas toujours ainsi. Laisse-moi te rappeler qu’en premier tu m’as utilisé pour représenter l’éternel retour. Tu as beau l’avoir recouvert de peinture, sa trace restera pour toujours mémorisée dans mes fils tissés. »

Je lui réponds: « Ah! L’éternel retour! Je faisais mienne cette idée que j’avais lue dans Ainsi parlait Zarathoustra. J’en étais inspiré. J’ai voulu la représenter par des spirales enlacées. La tentative a échoué. Je n’aimais pas cette peinture une fois terminée. Elle était trop littérale, trop lourde, trop criarde.

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La toile: «Qu’as-tu fait alors ? »

Moi: «Pendant des années, j’ai espéré que je me réconcilierais avec cette peinture, que j’y trouverais des qualités. Cela ne s’est pas produit. J’ai alors décidé de faire disparaître cette image, comme on essaie d’oublier un mauvais souvenir.»

La toile: « Je me rappelle avoir subi tes coups violents lorsque tu détruisais cette image. Il s’en est fallu de peu que tu me transperces en me ponçant. La tempête passée, j’ai été témoin de tes tentatives pour arriver à une autre destination picturale.»

Moi: « En premier, j’ai voulu par de grands gestes composer une peinture contrastée, colorée, équilibrée, bien moulée quoi. Mais j’entendais des voix contradictoires. Certaines me disaient que c’était sombre et confus, d’autres que c’était affirmé et puissant; aucune ne mentionnait «beauté». Il n’y a pas de fin, me disais-je, je ne pourrai jamais satisfaire toutes ces voix.»

La toile: «C’est à ce moment, n’est-ce pas, que tu m’as décroché du chevalet et que tu m’as étendu sur le plancher de béton de ton atelier.»

Moi: «C’est bien ça. Une troisième tentative de faire de toi, ô toile, une peinture que je pourrais exhiber avec fierté. Au sol, les genoux sur le dur béton, j’ai retrouvé la simplicité de l’ouvrier, qui fait ce qu’il a à faire sans écouter les voix qui l’entourent. J’ai lissé un enduit blanc avec une large spatule, d’où les lignes que tu portes. Le béton du plancher étant alvéolé, résultat d’une utilisation ancienne de déglaçant dans cet espace qui était jadis un garage, mon lissage en blanc a laissé des taches atmosphériques bleuâtres.

La toile: «Tu avais terminé?»

Moi: «Pas tout à fait. Des pulsions voraces me portaient à te reposséder par des formes pointues et des couleurs vives. Mais j’ai eu la patience d’attendre un apaisement. J’ai alors souri à la bonne fortune qui m’avait donné ce fond bleuâtre et je me suis dit que je suis celui qui fait des lignes.»

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